Conseil Indigène Populaire d’Oaxaca-Ricardo Flores Magón

 

Une fois de plus, les peuples indigènes sont oubliés : pas une seule mesure de sécurité de la part des gouvernements. Les femmes indigènes sont trois fois plus vulnérables.

 

Nous devons garder à l’esprit qu’aucun gouvernement,

pour honnête qu’il soit, ne peut décréter l’abolition de la misère.

C’est le peuple lui-même, ce sont les affamés,

ce sont les déshérités qui doivent abolir la misère,

Ricardo Flores Magón

 

(Journal Régénération, 19 novembre 1910).

 

Le 8 mars 2020, Journée internationale de la femme, des centaines de femmes autochtones « magonistes » sont descendues dans les rues d’Oaxaca, pour dénoncer les terribles conditions dans lesquelles nous vivons dans nos communautés : sans sécurité, sans justice, sans travail, sans services de base, sans eau, sans électrification. Nous avons manifesté 3 jours dans les rues d’Oaxaca, fermant des rues et des bureaux du gouvernement, sans être entendues.

Puis la pandémie est arrivée et notre situation a encore empiré. Car dans nos communautés, personne n’a les moyens d’aller en ville se faire  soigner. Dans nos communautés, si vous n’avez pas d’argent, vous ne pouvez qu’attendre la mort. Nos remèdes traditionnels ne peuvent rien contre le Covid-19. Dans nos communautés, nous entendons les messages du gouvernement : restez chez vous ! Mais ils ne viennent pas voir comment nous vivons, comment nous survivons. On les entend parler des aides qu’ils vont distribuer pour aider les entreprises, on entend dire qu’ils distribuent des millions aux plus vulnérables alors que depuis des années, ils ont détruit le système de santé, ils ont pollué les terres, ils ont exploité les ressources naturelles et favorisé les plus riches. Les mêmes fonctionnaires qui nous ont ignorées des années, se sont enrichis et nous ont méprisées et réprimées quand nous, les femmes, manifestions dans la rue pour exiger de meilleures conditions de vie : ils sont encore là.

Avec la pandémie, les prix des produits de première nécessité ont beaucoup augmenté. Nous vivons dans l’angoisse. Nous sommes chefs de famille, nous craignons de ne pas pouvoir vendre nos petites récoltes de maïs ou de piments « pasilla » ou notre artisanat, parce qu’il nous faut alors quitter la communauté pour vendre à la ville, où les marchés sont fermés...

Il n’y a pas de justice, il n’y a pas d’égalité des chances et c’est une autre forme d’extermination parce que face à cette pandémie de coronavirus, ceux qui peuvent avoir accès à la santé survivront, ceux qui ont de l’argent resteront à la maison et ne seront pas infectés, ceux qui ont Internet et la lumière seront en mesure de s’éduquer et ceux qui ont assez d’économie seront en mesure d’acheter de la nourriture, même si elle est chère et alors ils auront la possibilité de continuer à vivre.

Nous, les pauvres et exploitées, subissons la terre malade, des maladies incontrôlables qui aggravent encore notre situation. Nous appelons toutes les communautés à s’organiser pour exiger une véritable politique pour la santé, le travail et l’alimentation plutôt que de gaspiller pour des grands projets et l’armée. Nous, depuis les sierras, montagnes et collines, nous devons nous préparer à faire face aux conséquences des politiques des mauvais gouvernements, nous allons nous organiser, continuer à semer notre maïs, nos haricots, avec le travail communautaire, le « tequio », et trouver la force de faire face pour résoudre le problème.

Nous annonçons que nous sortirons dans les rues de la ville d’Oaxaca pour nous manifester et exiger nos droits. Les femmes autochtones du CIPO-RFM appellent toutes les femmes âgées, les jeunes, les filles et les adultes à rejoindre où qu’elles se trouvent avec leurs possibilités et par les moyens qu’elles peuvent, le Conseil des Femmes, où nous pouvons parler, partager nos sentiments dans nos cœurs et les souffrances de ce moment, nous organiser et trouver, ensemble, des moyens de lutte qui nous permettent d’avoir la santé et la capacité de rester en vie avec justice et sans violence.

Pour la reconstitution et la libre association de nos peuples

Conseil Indigène Populaire d’Oaxaca « Ricardo Flores Magon »

CIPO-RFM

Commission des femmes « magonistes ».

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